C’est l’avant-veille de la St-Jean. Les trois valises de la GS 1200 sont pleines à craquer. J’ai le strict minimum et je n’angoisse pas. On quitte Montréal en début pm, il fait beau. Je crie mon excitation dans le micro de mon casque… Mon chum regrette déjà d’avoir installé le système de communication. Too bad pour lui.

Pour les deux prochaines semaines, le plan est simple : faire les 755 kilomètres de la Blue Ridge Parkway d’un bout à l’autre et se rendre à la mythique Tail of the Dragon. À part de ça, on y va au feeling. C’est ça le concept du roadtrip anyway.

À partir de Front Royal
Après une nuit de motel dans un village louche et beaucoup d’autoroute, on arrive à Front Royal en Virginie. C’est en déposant nos bagages sur le tapis brun de la chambre d’hôtel que l’orage pète. Pas pire timing quand même. Ici, le soir, y a rien à faire. Sauf peut-être aller manger au Spelunker’s comme tout le monde nous le recommande. Mais ça ne nous inspire pas tant. On opte plutôt pour un petit resto romantico-Italien mal décoré. Le propriétaire ressemble comme deux gouttes d’eau à Steve Martin, l’acteur.  Alors nous on l’appelle Steve et lui, il trip big time sur notre accent franco-french. Tellement, qu’il nous pousse du gros Aznavour et du Carla Bruni à tue-tête dans le resto, en boucle.DSC_0025

Montagnes, club sandwich et IPA
Le lendemain matin, on est prêt à affronter la route. Près du Parc national de Shenandoah, c’est là que commence la Skyline Drive qui nous mènera jusqu’à la Blue Ridge. Trop content de rouler, on perd la notion du temps et c’est notre ventre qui nous ramène à l’ordre… Pour manger, on atterrit chez Guertie’s à Vesuvius. Les stores sont fermés. Je ne suis même pas game d’entrer.

Guertie’s: un magasin général pas général. Guertie’s: une station-service sans gaz ni service. Guertie’s: un café-casse-croute-dépanneur-pas-trop-clair. La serveuse, la fille de Guertie elle-même, nous parle dans un anglais incompréhensible, un accent qui sent la campagne de la Virginie à plein nez. On a faim, on s’en fout. On commande quelque chose de safe : un club sandwich. Il est dégoulinant de vieux gras, y a du jambon à la place du poulet, mais bâtard que ça fait la job. C’est là dans ce trou, aussi miteux que fascinant qu’on rencontre une dame irlandaise. Typique. Elle porte une robe fleurie pis un chapeau. Elle nous explique que selon son guide voyage, cet endroit fait partie des incontournables du coin. Guertie’s? No shit!

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Elle, elle fait la Blue Ridge en solo en voiture, à sens inverse. Le sens inverse du nôtre, en fait. Elle nous suggère d’aller dormir à Lynchburg, ville manufacturière aux abords de la James River. Elle et son guide voyage nous inspirent confiance. Lynchburg, here we come!

Ian demande au premier venu où on devrait dormir et manger. Faut souligner que le premier venu, c’est souvent un itinérant semi-sur-la-brosse. Faque qu’on aboutit dans un motel cheap pis finit au pub du coin. Là. Ça dégénère. Rob, notre serveur-preacher nous sert de la IPA de la Parkway Brewrey comme s’il n’y avait plus de lendemain, tout en remerciant Dieu Tout Puissant pour notre présence, rien de moins. Thank God! Praise the Lord Rob!

Sauvés par Daniel Boone
Mais un lendemain y en a un et il est difficile. Et c’est les Advil extra-strenght qu’on remercie ce matin. Ça sent l’fond de tonne dans nos casques et moi, je me concentre pour ne pas m’endormir. Parce que je suis passagère et parce que ça m’arrive de cogner des clous.

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Je m’efforce quand même de garder les yeux ouverts parce que oui, le panorama en vaut la peine. Sur la Blue Ridge Parkway, il y a beaucoup de motos, mais aussi beaucoup de vieilles Buick qui ralentissent la cadence. Ça roule en pépère, mais vu notre état, on s’en fout. C’est quand même incroyable de penser que cette route a été construite en 1936 et que sa seule vocation est de permettre aux touristes d’admirer la vue du haut des Appalaches. Elle ne mène nulle part et ne sert à rien. Elle est là, on roule dessus, au sommet des montagnes. Elle nous fait sentir petits, mais tellement grands en même temps … Je deviens émotive quand je suis hangover.

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Cette journée-là, étonnamment, on roule longtemps. Jusqu’à ce que le coucher du soleil nous mène à Boone. Le vrai village du vrai Daniel Boone, en Caroline du Nord. Honnêtement, je ne savais même pas que ce mec avait existé pour vrai. Je chante la chanson sans cesse et Ian boit. Plein de pub et de microbrasseries dans cette ville universitaire, le paradis. On fait du bar hopping. Boone, c’est cool.

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La dernière portion de la Blue Ridge est sans contredit la plus spectaculaire pour les yeux. C’est pour ça qu’on fait deux fois un segment à flanc de falaise, tellement qu’on n’en revient pas. Et c’est aussi parce que je n’ai pas appuyé sur record sur la GoPro la première fois.

Trois jours pour la fin
Au plus haut point, à 6053 pieds, on a fait la rencontre de Nick, un gars qui fait la Blue Ridge chaque année depuis 15 ans. Tantôt seul, tantôt avec un ami, qu’il nous dit. Il est attachant et à l’écouter, on a le feeling qu’il la fait plus souvent seul qu’accompagné. C’est aussi ça les voyages : les rencontres. Parler trente minutes avec un Nick, un Peter, une Thelma, qu’on ne reverra plus jamais, avoir envie de se prendre dans nos bras, se faire un hug et s’en aller.

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Après trois jours de routes splendides, on arrive à la fin, entre entre le Parc national des Great Smoky Mountains et la réserve indienne Cherokee. Je suis énervée. J’ai hâte de franchir le fil d’arrivée officiel. Fouille-moi pourquoi, je m’attendais à une fanfare, un public en délire, une boutique souvenir pour me dégoter un t-shirt I did the BRP. Mais rien. Même pas une pancarte qui dit : « End of the road ».

Nothing. Juste la fin.

Pas la fin de l’aventure, mais la fin de cette première étape avant la Tail of the Dragon. Et c’est loin d’être terminé.

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