La clé dans la porte, le sac déposé sur le sol, une grande respiration puis deux grandes questions : « Qu’est-ce que je mange? » et « Quand est-ce que je repars? ». Pour partir, il faut arriver. Faut fermer le livre avant d’en prendre un autre.
En voyage à moins de 60$ CA la nuit, dans le cœur d’une Amérique peu visitée, on n’a jamais croisé une seule femme de ménage, on a vidé nous-mêmes nous poubelles, on s’est essuyé avec la serviette mouillée d’un des gars ou pire encore, avec le tapis de bain, on a marché sur des miettes de chips qui n’étaient pas les nôtres.
Dans ce marathon sur la route, on n’a jamais hésité à s’arrêter, pour prendre conscience de notre environnement, reconnecter avec l’espace. Puis retourner à la route. Ça peut vouloir dire flatter des chevaux, regarder un coucher de soleil, grimper une montagne, photographier des vieux chars ou pisser dans le sens du vent entre un champs d’éoliennes et la rivière Columbia.
C’est comment la vie dans la van de 4 gars qui prennent la route pour traverser le continent? Si au début du voyage, on avait les yeux rivés sur le portable, le nez dans un magazine de moto ou absorbé en train de liker des photos sur Instagram, après cinq milles kilomètres, c’est autre chose. C’est tout un monde qui finit par se créer dans l’habitacle.
La destination, c’était Portland et on y est arrivé. Mais à voir le bleu sur l’écran du GPS, l’océan Pacifique n’est vraiment pas loin. Samedi matin, notre groupe est confronté à un choix: aller manger gratuitement au diner réservé aux VIP organisé par BMW Motorrad ou prendre la van et mettre le cap à l’ouest pour se remplir les yeux du Pacifique. The One ou les vagues de la côte Ouest?
Au One Motorcycle Show, Kenneth B. Wright, artiste installateur et builder hautement respecté à Portland, se tient immobile au milieu de la foule pendant de longues minutes. Coiffé d’un vieux chapeau, les bras levés vers le ciel, les yeux fermés, il est route sur la Stairway to Heaven.
Pour reprendre les travaux du magazine, on achète une barre multiprise qui se branche dans l’allume-cigare. Après quelques calculs rapides, approximatifs et optimistes, on a conclut que 150 watts étaient amplement suffisantes pour alimenter deux laptops, recharger un iPhone et une GoPro et brancher le GPS.
La GMC Vandura 1987 rendrait Gratton jaloux avec son luxueux capitonnage en tissus de tapis filé avec de la laine de veston de grand-père. Autant de classe sur deux murs et le plafond fait oublier l’eau qui entre par une fissure dans le joint du parebrise juste en haut du rétroviseur et la mosaïque de tôle et de plywood au plancher. Pas besoin d’enlever tes bottes en entrant.