Texte et photos: Luc Binette
Chaque année, je me prends au moins un bon trip de route en solo. Cette année, j’avais l’intention de partir loin au sud le long de la Côte Est sauf que je venais de remonter le moteur de mon bike. Le rodage à peine fait; je manquais un peu de confiance en plus d’une contrainte de temps qui m’empêchait d’aller aussi loin que je le voulais. Je me suis donc laissé convaincre par mon chum Lo de descendre pour 5 jours dans le New Hampshire rouler autour du Lac Winnipesaukee au plus vieux des rallyes de moto en Amérique du Nord.
C’est en pleine connaissance de cause que je partais pour un rallye vieillissant. On ne cessait de me dire que ce n’est plus ce que c’était. Mon chum Jules m’a mis en contact avec des gens de la Nouvelle-Angleterre qui me disaient de rester le plus loin possible de l’événement. Il ne m’en fallait pas plus pour piquer ma curiosité et foncer.
Départ pour les States
Rendez-vous pour le départ mercredi matin au Canadian Tire de Verdun sous le pont Champlain en démolition après avoir traversé le trafic du centre-ville qui n’en finit plus de finir. J’ai juste hâte de me retrouver sur l’open road. J’arrive un peu tendu, à l’heure précise, sur la réserve de ma tank à gaz qui est presque à sec. Salutation d’usage… ravitaillement, rapide briefing sur l’itinéraire… Let’s Go! Je sais déjà que j’ai un o-ring de push rod qui fuit. J’en fais volontairement abstraction me disant que je le changerai là-bas si ça devient trop dramatique.
On roule sur l’autoroute 10 comme des fous. C’est une des premières fois que je fais révolutionner le moteur aussi vite depuis qu’on l’a reconstruit. On s’arrête enfin au premier rest area un peu après la frontière pour faire le point sur la route à prendre. C’est là qu’on rencontre une connaissance de Lo qui a déjà failli le défigurer en lui envoyant 3 boulons de sa roue arrière dans’ face lors d’une ride il y a quelques années. Je vous épargne les détails. Il vous le racontera lorsque vous aurez la chance de croiser Lo. C’est un de ceux qui me disent que l’événement n’est plus ce que ça a déjà été. Il nous raconte ça sur un air solennel entre deux histoires de Jap Fires. Lui qui descend là-bas avec son bike apocalyptique digne d’une apparition dans le remake de Mad Max fixé dans une remorque accrochée à son SUV.
Exit le casque, salut Donald
On vient de pénétrer à l’intérieur du territoire du New-Hampshire. Je ne perds pas de temps pour retirer mon casque et le fixer à ma sissy bar. Je n’ai pas l’intention de le reporter pendant les quatre prochains jours. Ceux qui ont déjà fait l’expérience comprendront l’agréable sensation de filer à travers le vent comme un projectile d’arme à feu. Le crâne humain est vraiment plus aérodynamique qu’un casque de moto. 50 km avant d’arriver à destination, je coince un sandwich pita/merguez préparé la veille et bien emballé dans du papier d’aluminium entre les deux cylindres du moteur. Rendu à destination, affamé comme un loup, je déballe mon sandwich fumant de vapeur. Réchauffé à point par la chaleur du moteur. Quelle satisfaction!
On plante nos tentes sur le bord de la route principale. Ce n’est vraiment pas le spot le plus reposant. Des motos qui passent, il y en a sans arrêt. C’est le festival des straight pipes. Il n’y a pas de campagne anti décibels comme au Québec. Un vacarme infernal se fait entendre sans arrêt pratiquement 24h sur 24. On a droit à un petit répit entre 3h et 6h du matin.
Peu après notre arrivée, on en profite pour aller faire un tour à Weir’s Beach; là où sont les attractions principales. Des bikes à la tonne, mais principalement des baggers. Ceux qui sont déjà allés à St-Tite comprendront qu’il y a une grosse similitude dans la vibe Marché aux puces de l’événement. Beaucoup de stock Made in U.S.A. qui pourrait habiller toute une milice en bécyck à gaz. Ai-je vraiment besoin d’un gun pocket dans ma veste de moto dans l’Amérique de Trump? D’ailleurs, je sens qu’il y a un bon bassin de supporters du président à l’événement. Il y a plein de t-shirts de mauvais goût à l’effigie du Tycoon de l’immobilier devenu commandant en chef de l’armée Américaine. On peut lire «Finally a president with balls» sur certains t-shirts avec la face du misogyne vêtu d’un perfecto et flexant son biceps le poing serré devant la poitrine. Ou encore la bonne vieille blague: «If you can read this, the bitch fell off» dans le dos de Donald qui pilote sa moto alors qu’Hillary vole dans les airs derrière lui. Disons que j’ai déjà vu mieux comme classe.
Détour au Broken Spoke Saloon. Des femmes en lingerie nous attendent pour nous servir nos drinks pendant qu’on joue au pool. La subtilité règne. Pas mal jolies à regarder, mais ça sent l’arnaque à plein nez. Comme pour plein d’autres choses. Par exemple, le camping coûte une fortune. Le proprio du site, un petit nabot frustré, voulait charger 100$ à notre chum Mad Dog juste pour venir nous visiter! Faut croire que tout le monde de la région veut en tirer le maximum. C’est quand même un des plus gros événements de l’année dans la région. Le cover band qui joue ce soir-là vient d’aussi loin que la Floride et joue du classic rock. J’ai l’impression d’écouter CHOM FM.
Lobster roll ou patte de dinde?
Le lendemain, je me réveille un peu scrap. Je fais brûler du café avant que Mad Dog m’apporte un sandwich déjeuner inespéré. Parfait pour me remettre d’aplomb et reprendre la route. Mad Dog, Lo et moi descendons vers le sud, à Hampton Beach, pour rencontrer Smiley et partir à la recherche d’un lobster roll. On prend la A-1 pour longer la côte.
Les courbes sinueuses et la vue sur l’océan combinée à l’odeur de mer et le fond de l’air frais de l’Atlantique Nord, c’est parfait et juste assez exotique pour quelqu’un natif des Basses-Laurentides. On se retrouve sur une terrasse au 4e étage d’un resto de fruits de mer à Hampton, en plein festival du château de sable. L’ambiance rappelle les bonnes vieilles vacances des familles Québécoises sur le boardwalk bien rétro. Best lobster roll ever! Comme dirait ma fille. Avec vue sur l’océan en prime.
On revient par la 107. On a de la chance, en grande partie, c’est une route sinueuse dans les bois avec du pavage de bitume flambant neuf. Les boys me demandent si j’ai un contact avec le ministère des Transports de l’État… C’est moi le road captain pour le reste du trip.
Quoi de mieux que de se nourrir d’une jambe de dinde en revenant au camp? Pour le prix faramineux de 15$ US on peut acheter un pilon de cuisse de dinde. La cuisson est excellente. Ça se mange brut, tel quel. Pas besoin d’accompagnement, de sauce ou de quoi que ce soit d’autre. Juste le gros pilon tenu dans une main, mangé viking style.
J’en garde une portion sur l’os pour le lendemain et j’effiloche le reste dans un papier d’aluminium. Heureusement, j’avais apporté de l’oignon, du beurre et quelques épices. Le tout bien emballé dans le foil, je fais réchauffer ça sur le moteur qui roule au idle pendant un petit cinq minutes.
Je laisse ça reposer une autre vingtaine sur le moteur bien chaud de mon Sportster et je savoure juste à point le mon plat de dinde. Tout est parfait! Je viens de comprendre que c’est impossible de brûler de la bouffe sur un moteur. La chaleur du moteur ne sera jamais assez élevée. Fermée en papillote, la déshydratation est presque impossible. Je suis déjà en train d’imaginer mes prochaines recettes moto cooking à expérimenter…
Fire! Fire! Fire!
De son côté, Lo tente d’allumer le feu avec du gaz. Il a plu toute la journée et le bois est trop humide pour prendre en feu comme il le devrait. Je vois Lo s’approcher du feu avec son bidon de 5 litres de gaz. Je sors ma caméra. Il déverse le carburant directement dans le feu, par le bec du bidon. Même s’il n’y a qu’une minuscule flamme, le feu monte vers le réservoir. Ça se transforme en un cocktail Molotov. Cette affaire-là menace toutes nos tentes. Il ne faut pas trop de temps à Lo pour trouver un rond de feu vacant à proximité pour nous épargner un spectaculaire fiasco. On reprend nos esprits en regardant le bidon fondre et le reste de l’essence brûler tranquillement.
La suite de nos aventures la semaine prochaine…
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