Il y a de ces endroits que l’on discerne de l’autoroute si on ne regarde pas en avant (en tant que passager bien évidemment) et qui demeure une distraction pour quelques secondes seulement. Il n’y a pas plus interchangeable qu’un paysage d’autoroute, insignifiant ou prometteur, mais toujours en mouvement. En moto par contre, surtout si comme moi on en fait pas souvent, le périple devient plus intéressant que le simple trajet et l’inexploré une invitation au vagabondage.

Parti tôt de Montréal, et même si ma destination était sur la rive nord et le secteur de la porte de la Mauricie, j’ai emprunté le tunnel (congestionné, mais le boulevard Louis-H. Lafontaine est souvent une bonne alternative à partir du Métroplitain quand ça refoule jusqu’à l’échangeur Anjou) puis la 132 vers l’est. L’idée est de prendre le traversier à Sorel. Il n’y a rien comme une petite croisière et l’odeur du fleuve le matin.

Je suis un gars du nord et la rive sud c’est presque l’exotisme. Montréal est au nord, Québec est au nord, même Trois-Rivières pour la pause pipi, au point que je n’emprunte presque jamais la 20 pour me rendre à Québec, préférant la 40, plus familière. Mais c’est juste moi. En revanche, la 132 m’a récemment conquis. Dès Varennes, c’est la campagne et c’est comme ça jusqu’à Québec. Seul Sorel revendique son urbanité, mais ce n’est toujours qu’un gros village et même la Fer & Titane à Tracy est séduisante en sa nauséeuse manière.

L’objectif du jour est de lever le voile sur un mystère entrevu maintes fois de l’autoroute, et que les cartes nomment comme le «Rang du Fleuve». Il y a trois façons d’y accéder, l’évident, le es-tu sûr et le j’te cré pas. C’est ce dernier que j’ai emprunté, la « Montée Ouest » qui même si le chemin fait illusion avec son enjambée d’asphalte par la 138 et son viaduc sur l’autoroute, il n’est rien de mieux qu’un sentier de ferme, à peine large parfois pour un tracteur.

Rendu au fleuve, et sur le «Rang du Fleuve» (asphalté), la vue est sur l’Île Dupas. L’endroit est pas mal habité avec marina et quai de mise à l’eau et même un assez gros camping et/ou un cimetière de roulottes, je n’ai pas investigué plus qu’il faut. Malgré les champs dans leurs cours arrières, il n’y a pas vraiment de fermes, c’est «villégiature», même si le style des habitations fait plus banlieue que campagne. Toutefois les hérons semblent apprécier le coin, ils étaient une belle gang les pieds dans l’eau.

En continuant, on finit par arriver à Maskinongé et l’incontournable Caillette. Après avoir, encore une fois enjambé un viaduc au-dessus de la 40, on se retrouve devant un dilemme cornélien, quel rang emprunter? Celui de la Rivière Sud-Ouest ou Sud-Est? Ce n’est pas pour influencer ni tordre le bras à personne, mais vers l’est on y traverse un rustique pont en fer. Je l’dis comme ça, c’est juste une information, vous faites ce que vous voulez!

Entre Berthier et Maskinongé, les rangs se multiplient, l’espace a été quadrillé par la colonisation et à l’époque, les églises y poussaient comme le blé d’Inde aujourd’hui. Il est toujours surprenant de voir surgir une église au milieu de nulle part avec son petit cimetière abandonné. C’est donc pas les itinéraires qui manquent et il suffit de prendre à droite ou à gauche à n’importe quel embranchement pour volontairement s’y perdre. Et puis on finit toujours par y croiser un panneau avec une moto dessus, pourquoi ne pas se laisser guider?

Par contre, la Route du Pied de la Côte, à partir de Maskinongé et le Rang York en s’approchant de Berthier demeure des repères sûrs. La limite des basses terres du St-Laurent s’y trouve. En roulant vers l’ouest et en regardant vers la gauche c’est la plaine et son horizon, à droite les collines du massif des Laurentides.

Mais la foutue autoroute n’est jamais bien loin surtout si on pousse vers le sud-ouest, et comme le soleil commence déjà à disparaître, pour une fois elle est bienvenue. Un dernier arrêt peut-être pour se dégourdir avant de mettre le nez dans le parebrise (réel ou imaginaire) et de filer à la maison. La fraicheur du paysage nous accompagne encore pour un bout de temps, mais l’air se réchauffe avant d’apercevoir Repentigny, même si les lueurs de la grande ville teintent de jaune le ciel depuis un bon bout de temps déjà. C’est bien vrai que la lumière voyage plus vite que le reste.

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