Mes premières bières de bar, je les ai bues au centre-ville de Saint-Jean-sur-Richelieu. C’était bien avant la moto. Dans ma tête d’ado qui emprunte le char à sa mère pour aller travailler comme sauveteur à la piscine du Cégep, le centre-ville de Saint-Jean, c’était le plus beau centre-ville du monde. Je n’avais pas vu New York, ou Toronto, Paris, Amsterdam, Tokyo, ni même fréquenté les bars de la Main, notre Main montréalaise, celle dont on parle aujourd’hui comme une vedette de cinéma excentrique morte d’une overdose dans un surprise-party organisé pour Iggy Pop. Bref, je n’avais encore rien vu de la vie, pourtant la Richelieu était, à mes yeux, la rue principale la plus rock du monde.
Je n’avais pas si tort. C’était juste avant le début de ce que l’on allait appeler plus tard la guerre des motards. Soyons honnête, Saint-Jean tirait très bien son épingle du jeu quand venait le temps de compter les patchs et les Harley qu’on pouvait croiser en déambulant sur un trottoir avant de se mettre dans la marde une fois un peu trop chaud. Et ça jouait dur. Pas mal dur. Alors pour moi, lifeguard à la piscine du Cégep les weekends et garçon de bonne famille, la moto, ça se résumait à cette image ultra-clichée quasi hollywodienne: le trouble pis des gars impressionnants que t’écoeures pas, même s’ils passent devant toi pour aller pisser leur Black Label.
Avec le temps, j’ai compris que le monde de la moto ce n’était pas que ça et surtout, que ça évoluait. Si on s’assure de garder en vie le mythe du biker hors-la-loi peut-être au-delà de ce qu’il est réellement (et j’ai rien contre), les choses ont tout de même bien changée depuis ces soirs de semi-brosse à chercher mes chums entre le Vieux, le Route 66, le Téquila et le Nic et Pic…
En 2016, même si on porte des vestes et qu’on les décore de patchs inoffensives, malgré qu’on se soit laissé poussé la barbebien longue, même si notre porte-feuille est accroché à une chaine et même si certains ont couvert torse, bras et jointures d’encre, reste qu’on est, pour la plupart, à des milliers de kilomètres de ces gars-là qui me faisaient un peu peur quand j’étais ado. Moi je le sais, mes parents le savent, les chums aussi, mais d’autres en doute peut-être encore.
Cette année avec ONELAND, j’ai eu la chance de collaborer à l’organisation de pleins de trucs moto à Montréal. Les #MotoSocial, les Meet Clockwork et les soirées d’Après-Meet au Cobra, le Ruelle66 au Soupçon Cochon, ou encore tout récemment, la Distinguished Gentleman’s Ride (DGR). Et souvent, sur plusieurs événement auxquels j’ai travaillé, les échanges avec la ville devenaient rapidement complexes, voire parfois tout simplement contreproductifs. Parce qu’encore aujourd’hui, un rassemblement moto ça fait peur.

À l’arrondissement de Verdun, quand j’ai appelé pour demander la permission de terminer la DGR sur leur rue principale, on nous a posé une question claire : « Êtes-vous capable de faire ça sans qu’il y ait de débordement? ». J’ai expliqué que oui, on m’a écouté et on a compris. Pas de détour, pas de sous-entendu. La vraie question, la bonne réponse. Et puis Verdun c’était sans doute comme Saint-Jean dans le temps…. Ils ont eu leur lot de trouble et de gars que t’écoeures pas, ça n’a pas empêcher les gens de constater que les choses ont évoluées. Peut-être qu’on s’est dit qu’on était rendu là, tracer un X sur l’image de la gang de bikers qu’on avait depuis longtemps et enfin repartir à zéro.
La SDC de la Promenande Wellington, les décideurs et les policiers de l’arrondissement, mais surtout citoyens et commerçants : vous avez accepté que 150 motards débarquent chez vous, sur votre rue principale, un dimanche après-midi, vous avez même toléré qu’on pousse l’audace jusqu’à la faire fermer, votre Wellington. Vous avez invité Maltéhops pour de la bière et le foodtruck de Villa Wellington pour des tamales, puis vous êtes venu faire la fête avec nous, en famille. C’est montrer à quel point vous avez compris que c’est pas tous les bikers qui vivent comme dans The Wild Angels…. (même si j’adore ce film).
Grâce à des dimanches après-midi comme celui-là, où 150 motos se regroupent sans tout faire péter, souhaitons que l’an prochain, d’autres quartiers, d’autres arrondissements, d’autres villes, accepteront eux aussi de nous faire une place.
Merci Verdun, on se voit bientôt.
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