Texte et photos: Marc Provencher
On a nos lois et nos règlements dans le but très juste de nous protéger, des autres et contre nous-mêmes. C’est ok, on a choisi cette façon d’être en tant que collectivité. Mais qu’en est-il des endroits où presque rien de tout cela s’applique ? Je précise. Je suis sur une ile qui se nomme San Andres près du Nicaragua, mais qui appartient à la Colombie. Ici, tout est différent.
Une visite à San Andrès, Colombie
Fait de coraux et roches volcanique, cette ile contient 145 000 habitants. Le cout de la vie est le même que chez nous, mais le salaire moyen des gens ici ne leur donne pas un gros pouvoir d’achat.
Aucun concessionnaire de voitures neuves sur ces 24 km du nord au sud. Les autos arrivent usagées de Miami et elles sont malgré tout dispendieuses pour eux qui profitent du plein emploi. Les alternatives sont des « side-by-side », des 4 roues, des petites motos 125 cc et des scooters, des scooters et encore des scooters. Je n’ai jamais vu autant de ces petites 2 roues au mètre carré.
Statistiques moto
Le taux de criminalité est très bas à San Andrès, il semble y avoir beaucoup de corruption, mais peu de criminels. Être corrompue t’éloigne peut-être du crime. Le gouvernement en place est choisi par le gouvernement de la Colombie et étrangement, une de leur préoccupation est le nombre de décès qui met en cause les conducteurs de scooter. Il en meurt en moyenne 2 par semaine sur les routes. Sur le coup, je sursaute et je compare les proportions avec ma ville. Ça représenterait une moyenne de 2 par mois. Je trouve la statistique effroyable. Moi qui voulais me louer un scooter pour rider le long du littoral. Ce n’est apparemment pas une bonne idée. J’opte pour le side-by-side.
Des fourmis à deux roues
Il est facile de comprendre pourquoi. Observe la façon dont ils se comportent. Dépasse à gauche, à droite, arrêt en pleine rue pour échanger avec les copains, parfois 3 ou 4 sur la bécane. Ce n’est pas rare de voir le 3e ou 4e passager avoir à peine 5 ans ou encore, de voir des mères avec leur bébé dans les bras. Mon top? Trois personnes et la conductrice avec son cellulaire dans la main gauche en train de texter. Et je passe les détails comme des vêtements de sécurités : bottes, casque, gants, manteau, lunette, etc. Ici, pour la plupart, gougoune et short font l’affaire. Comme si on confondait moto et bateau. Ils circulent comme des fourmis dans leurs sentiers, le tout semble chaotique, mais on y constate une cohérence fluide. Pour en ajouter une couche, les piétons participent à ce capharnaüm organisé.
Je trouve magnifique de les voir rouler de cette façon. C’est le mode de transport des citoyens. Pour aller au travail, porter les enfants à l’école, faire les courses, être libre et autonome. Pas de règles, pas d’âge non plus. De voir grand-maman avec ses beaux cheveux gris aux commandes de sa moto avec sa petite fille assise derrière, ça n’a pas de prix. Même scénario pour le grand-père. Et cette jeune femme, tellement fière de sa moto neuve, qui file avec son petit ami assis derrière elle. Ici, l’égalité des sexes en tant que conducteurs de motos a atteint sa parité il y a bien des lunes. À force de les regarder se promener avec leurs engins, ma crainte s’estompe peu à peu et fait place à l’envie d’être comme eux. De pouvoir rider comme bon me semble, à ma façon, comme je le veux.
Qui veut un permis de conduire moto?
Les habitants de San Andres obtiennent leurs permis de conduire de moto avec la signature des parents. C’est à eux de juger s’ils sont aptes à conduire. La plaque d’immatriculation n’est pas nécessaire. Si vraiment on y tient, il faut en faire la demande au continent et il se peut qu’elle n’arrive jamais.
Je n’ai pas cette liberté. Après une courte réflexion, sans calculs ou statistiques, presque tous ici conduisent un scooter ou type de moto. Ils sont 145 000 habitants et c’est 2 accidents mortels par semaine. Aucune formation, aucun contrôle, aucune protection. À mon avis, ce n’est peut-être pas beaucoup étant donné ces faits.
La liberté, la moto, le système
Et puis la liberté de choisir, c’est très important pour moi. Je vis dans un pays de liberté et où l’on a décidé collectivement de mettre en commun certaines règles de protections pour le bien de nos citoyens, pour ceux qui en ont besoin, et pour les autres. C’est très noble. On a aussi instauré des lois et des règlements pour notre sécurité, pour nous protéger, mais lequel des deux systèmes sauve le plus de vie? À quel prix la liberté?
L’ile de San Andrès est magnifique, je m’y sens bien, entourer de tous ces motards qui roulent en toute liberté, sans contrainte. La liberté, ils ont ça aussi.
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